Que ferait Mélissa Breault ?  – un processus au pastel sec –

Vous avez choisi votre sujet, tous vos pastels préférés sont étalés dans votre atelier et vous ne pouvez attendre un instant de plus pour commencer votre nouveau tableau au pastel! Plusieurs se lancent sans se poser trop de questions. Après tout, nous peignons souvent en partie pour nous offrir un moment paisible, sans trop penser et avec l’espoir d’oublier les tracas de tous les jours. Ma méthode implique beaucoup de réflexion et de prise de décisions. Cela peut sembler assez fastidieux du point de vue de l’impatient, mais cette approche plus longue, méticuleuse et bien structurée me donne le sentiment satisfaisant de savoir ce que je fais et pourquoi je le fais de cette façon. . Cela vient également avec le sentiment rassurant de savoir que je serai en mesure d’éviter une tonne d’erreurs dès le départ et que je passerai efficacement à travers le processus, surmontant tout obstacle qui se présentera en cours de route. (Il est important de comprendre qu’on rencontre toujours des passages difficiles dans chaque tableau, quel que soit notre niveau, alors mieux vaut être équipé pour les surmonter!) Le but d’avoir une méthode, une approche structurée dans notre art et beaucoup d’informations sur lesquelles s’appuyer, c’est de nous libérer des incertitudes et de nous donner les réponses à des questions auxquelles seule notre intuition d’artiste ne saurait répondre.

 

Choix papier.

1- Choisir le papier

Au fil des ans, j’ai expérimenté avec toutes sortes de papiers pastel. Mon préféré a été le papier La Carte de la marque Sennelier. Donc, quand il s’agit de choisir, je n’ai vraiment qu’à choisir une des couleurs et des tons proposés par cette marque. Je choisis principalement en fonction du ton du papier, avant même de considérer la couleur. Pour mon sujet ici, la pomme verte sur fond bleu, j’ai choisi un gris moyen neutre qui ressemble au ton de mon arrière-plan. Lorsque le ton du papier est proche du ton général de l’arrière-plan, il est plus facile de faire ressortir le sujet au début du processus. (Plus d’informations à ce sujet aux étapes 3 et 4).

 

dessin pomme.2- Le dessin

Je trouve très important de commencer par un dessin précis. Quand je dis précis, je parle d’avoir toute la composition du tableau dessinée avec le bon positionnement et les bonnes proportions, y compris le contour des ombres projetées. C’est un bon moyen de savoir si tous les éléments sont bien équilibrés, surtout si je n’ai pas préalablement fait d’études de composition.

Commencer par un croquis léger m’aide à faire toutes les corrections nécessaires sans marquer mon papier avec de lourdes lignes de construction que je ne pourrais pas effacer facilement ou recouvrir avec les pigments. Cela est particulièrement important si vous planifiez laisser votre papier transparaître et faire donc partie de votre résultat final.

 

3- Les ton foncés

tons foncés dessin pomme.Tout d’abord, je m’assure de créer le volume avant d’aborder les couleurs. Le fait de plisser les yeux en regardant le sujet ou le document photo que j’utilise m’aide à simplifier et à comprendre ce que je vois en supprimant tous les détails distrayants et inutiles.

Plisser les yeux m’aide également à regrouper tous les tons en trois catégories: foncé, moyen et clair.

Dans cette situation particulière, mon arrière-plan agit comme mon ton moyen. En plissant les yeux, je suis capable de localiser tous les tons qui semblent plus foncés que mon arrière-plan. Je les esquisse ensuite sur mon papier à l’aide d’un crayon fusain General’s 6B. Je trouve que ce fusain offre un gris très doux qui ne tachera pas les couleurs qui seront superposées ultérieurement. Utiliser un crayon pastel noir aurait tendance à tacher les couleurs appliquées plus tard, ce qui les rendrait sales et sans vie. Lorsque j’applique le fusain pour créer les tons foncés, je m’assure de garder les bords des masses adoucis plutôt que découpés. Cela donnera à mon sujet un meilleur effet de volume et rendra le tout plus réaliste.

 

4- Les tons clairs

Tons clair sur dessin pomme.Lorsque les tons foncés sont placés, j’utilise ensuite le crayon blanc General’s White pour créer les tons plus clairs. Je plisse les yeux en observant mon sujet et je repère les zones qui m’apparaissent plus claires que mon fond de ton moyen. Je commence à appliquer de fines couches sur mon papier avec la pointe de mon crayon blanc. Je fais cela jusqu’à ce que j’obtienne le bon contraste avec le fond moyen. Je m’arrête quand je vois que mes tons clairs sont assez clairs, sans être trop contrastés. Comment puis-je savoir si mon contraste est bon? En plissant les yeux encore! Je plisse les yeux en regardant mon sujet et aussi en regardant mon dessin. Si je vois la même chose, j’ai fait du bon travail! Sinon, j’ajuste jusqu’à ce que le contraste soit fidèle à ce que je vois.

Lorsque je travaille sur les tons clairs, j’aime commencer par la zone où la lumière frappe le plus pour ensuite m’en éloigner. Pour cette pomme, j’ai commencé par localiser le rehaut (le petit point de lumière vive) et j’ai créé un dégradé doux du plus clair près du rehaut, jusqu’à un peu moins clair en m’éloignant de ce point en me dirigeant vers les bords.

La zone entre la lumière et l’ombre est laissée telle quelle, montrant le papier et agissant comme mon ton moyen, créant un dégradé lisse et naturel d’un ton clair à un ton foncé.

Ma grisaille est maintenant terminée et je peux passer aux couleurs!

 

5- Le premier glacis sur le sujet.

Premier glacis sur dessin pomme.Tout d’abord, je dois préciser que lorsque j’utilise le mot glacis dans le contexte d’un pastel, je l’entends dans le sens de l’application d’une couche de couleur transparente ou semi-transparente, comme le ferait l’aquarelliste avec ses pigments dilués dans l’eau. Le peintre à l’huile mélange aussi parfois ses pigments avec un médium résineux pour pouvoir appliquer la peinture sous forme de fines couches transparentes de couleurs sur une sous-couche de peinture plus opaque. Le glacis affecte les couleurs d’origine, permettant une translucidité autrement très difficile à obtenir avec une application opaque.

Dans le cadre d’une oeuvre au pastel, l’eau ou le médium liquide n’est pas utilisé. Ici, la transparence est plutôt obtenue en appliquant des couches de pigments si minces que nous pouvons encore voir ce qui est en dessous.

J’aime commencer avec des glacis pour de nombreuses raisons. Premièrement, cela me permet de préserver la grisaille sur laquelle j’ai travaillé dans les étapes précédentes. Ainsi, au lieu de recouvrir la pomme en noir et blanc avec des touches épaisses et opaques avec les bâtons de pastel pour la colorer, je mélange plutôt très doucement le pigment avec les tons de ma grisaille en dessous. Dans le cas de cette pomme, j’ai commencé avec un crayon jaune en appliquant une couche sur toute la surface de la pomme. Le jaune étant naturellement une couleur très claire, je peux facilement appliquer un peu plus de pigments sur les zones claires sans craindre d’assombrir le ton.

Dans la zone de lumière de ma pomme, la couleur jaune semble vibrante car elle a été placée sur la couche de crayon blanc. Dans l’ombre, où l’on veut que les tons restent plus foncés, le jaune ne lui donne qu’une faible teinte sans affecter l’obscurité du ton.Glacis de couleur sur le dessin de la pomme.

 

6- Glacis de couleur sur l’ombre de la pomme

Sur ma pomme jaune, j’ajoute une couche de bleu pour la rendre plus verte. (Oui, le jaune et le bleu font du vert!) Le bleu est naturellement une couleur plus foncée, donc je m’assure de ne pas trop appuyer sur mon crayon lorsque je l’applique sur les zones claires. Au contraire, j’insiste sur les parties les plus sombres telles que l’ombre sur la pomme pour donner ainsi au ton plus foncé un aspect plus vibrant que sa couche de fusain d’origine.

 

7- Deuxième couche de glacis sur la pomme

Je continue à superposer les couches sur la pomme avec le crayon jaune et bleu. Si mon vert devient trop vif dans l’ombre, j’ajoute une couche de rouge pour le neutraliser et le rendre plus gris. J’ai tendance à travailler avec des palettes de couleurs limitées, en particulier lorsque je commence avec les crayons. J’utilise un crayon jaune, un rouge et un bleu, un blanc, ainsi qu’un crayon fusain 6B.

Deuxième couche sur glacis de la pomme.Utiliser une palette limitée pour commencer mon œuvre au pastel m’aide de plusieurs façons :

En n’utilisant que les trois couleurs primaires pour mélanger mes autres couleurs, je m’assure que toutes les couleurs créées seront harmonieuses les unes avec les autres.

En mélangeant un vert à partir de mon jaune et de mon bleu directement sur le tableau, j’obtiens une couleur beaucoup plus vibrante. Comme les deux couleurs ne sont pas complètement mélangées lorsqu’elles sont appliquées, celles-ci peuvent être perçues individuellement, créant ainsi, dans l’œil du spectateur, une couleur plus riche et plus intéressante que ce que le crayon vert prémélangé pourrait offrir.

Un aspect très pratique de n’utiliser que seulement nos trois couleurs primaires est que vous n’avez que 3 couleurs à choisir pendant que vous travaillez. Lorsque je commence une peinture, l’un de mes premiers objectifs est de pouvoir avoir, le plus tôt possible, une idée claire de ce à quoi tout cela va ressembler. Le fait de n’avoir que trois couleurs avec lesquelles jongler me permet d’accélérer le processus et d’avoir une agréable harmonie de couleurs sur toute la peinture avant de m’engager dans des traits de pastel plus épais et plus crémeux, plus tard.

À ce stade précoce de la peinture, je veux éviter les couleurs trop vives et distrayantes.

Mélanger légèrement les couleurs avec une palette limitée m’aide à garder mes couleurs intéressantes et riches, sans devenir trop saturées.

 

8- Les couleurs dans le fond

couleurs de fond derrière la pomme.Le même processus s’applique à l’arrière-plan. Je superpose une mince couche de crayon rouge sur un bleu pour obtenir un bleu violacé. À ce stade, je m’assure de faire varier les tons du fond pour créer l’illusion d’espace. Un ton plus sombre en arrière-plan le repousse et un ton plus clair au premier plan le fera s’avancer. Je m’assure de garder la plupart de mes bords adoucis. Surtout ceux à l’arrière. Le pli du tissu qui crée la «ligne» horizontale en est un bon exemple et doit rester floue pour paraître comme étant en arrière de la pomme.

Il y a quelques conseils très utiles dont j’aimerais vous faire part qui vous aideront à créer l’impression d’espace dans une œuvre.

Si vous souhaitez qu’une partie de votre sujet apparaisse plus loin, derrière quelque chose, ou si vous voulez qu’un élément attire moins l’attention, comme par exemple quelque chose qui serait à l’extérieur du centre d’intérêt, assurez-vous que cette partie de votre tableau aient :

  • des bords plus adoucis
  • des contrastes plus faibles
  • des couleurs plus neutres
  • moins de détails
  • des couches de pastel plus minces
  • de plus petites touches
  • moins de textures

 

Et logiquement, pour rapprocher quelque chose, pour attirer l’attention et mettre l’accent sur un élément, il faut avoir:

  • des bords plus nets
  • des contrastes plus forts
  • plus de saturation
  • plus de détails
  • des couches de pastel plus épaisses
  • des touches plus grosses et plus prononcées
  • plus de textures

Je commence à prêter attention à ces règles dès le début de l’œuvre dans le sens où je les garde toujours à l’esprit à tout moment. À ce stade de la peinture, elles ne peuvent pas toutes être utilisées puisque nous n’avons pas encore abordé les textures et les détails, mais en vérifiant les bords, les contrastes et la saturation, vous aurez déjà un bel effet de volume et d’espace.Bâton de pastel sur la pomme.

 

9- L’utilisation des bâtons de pastel sur la pomme

C’est à ce moment-ci que je commence à ajouter plus d’épaisseur et des couleurs plus vibrantes. Je commence par le sujet, mon point focal, sur lequel je veux attirer l’attention. En règle générale, j’applique des traits plus épais là où la lumière frappe le plus, au premier plan et dans les parties de l’objet les plus proches de moi pour faire valoir le volume. Il en va de même pour les couleurs plus vives. Les zones que j’aime souvent laisser avec une couche plus fine de pastel sont les ombres et les parties qui sont plus éloignées de mon point focal.

 

10- L’utilisation des bâtons de pastel sur le fond

Bâton de pastel sur le fonds.Maintenant, je suis de retour à l’arrière-plan. Je continue à prendre des décisions concernant les tons, les couleurs et tous les dégradés entourant la pomme. Mes décisions sont guidées par cette question: que puis-je faire pour rendre mon sujet plus intéressant? Je décide d’assombrir encore plus l’arrière pour faire ressortir encore plus ma pomme. J’ai également décidé de retravailler le bleu du fond de sorte que la couleur se rapproche plus de ce que je vois sur mon sujet.  Après tout, j’ai choisi ce bleu outremer intense parce que j’aimais sa richesse! Je choisis un bleu foncé ainsi qu’un rouge foncé pour créer cet effet de lumière émanant du côté de la pomme. Pour ce qui est du premier plan – la surface horizontale sur laquelle repose la pomme – je n’hésite pas à recouvrir le papier de traits épais d’un bleu un peu plus clair pour lui donner plus de présence.

 

11- Détails, textures et subtilités

Détails, texture et subtilités finale-pastel pomme.Les détails nécessitent généralement des traits plus petits, il ne serait donc pas très intuitif d’utiliser de gros bâtons de pastel crémeux, n’est-ce pas? Sauf que ce sont eux qui adhéreront le mieux sur toutes les autres couches et ce sont aussi ceux qui offrent les couleurs les plus vibrantes. Les petits détails peuvent absolument être fait avec un grossier morceau de pastel et voici comment: il vous suffit d’échapper intentionnellement votre bâton adoré sur le plancher de bois franc de votre studio pour obtenir une multitude de plus petits morceaux, ornées d’arêtes et de pointes acérées, parfaites pour le travail de détail !

Je les utilise pour rehausser les couleurs dans les zones les plus vibrantes, généralement là où se trouve la lumière (plutôt de dans les ombres). J’applique de petits traits épais pour créer les textures autour de mon rehaut et je m’assure de ne pas trop m’approcher des bords de la pomme. Je varie mes couleurs. J’entrelace un vert plus chaud et un vert légèrement plus froid pour rendre les choses plus intéressantes. Avec un bâton semi dur, j’ajoute un peu de rouge sur le dessus et sur le côté gauche de ma pomme pour assombrir ce bord et le faire paraître plus loin que la zone qui est dans la lumière. J’ajoute un soupçon de rouge dans l’ombre sur la pomme pour que la couleur s’harmonise avec le reste. Ce rouge, superposé sur le vert foncé de l’ombre contribue en même temps à neutraliser celle-ci.

Je me lève, je m’éloigne, j’observe… ça marche!

Une œuvre au pastel peut offrir une riche gamme de textures et une grande variété d’épaisseurs. C’est encore plus vrai si vous avez une collection variée de pastels. J’utilise des crayons pastel pour l’application de couches plus fines, des bâtons pastel semi durs pour obtenir plus de couverture et pour estomper les zones plus douces. Les bâtons pastel très doux et crémeux servent à faire les traits plus épais et plus prononcés. Je travaille généralement de mince à épais, mais il arrive que j’applique d’abord une couche épaisse d’un pastel très tendre et ensuite la gratter avec un pinceau rigide pour créer différentes textures. Il existe de nombreux outils que le pastelliste peut utiliser, autres que les pastels eux-mêmes. La créativité et l’expérimentation imaginative sont, en soi, vos meilleurs atouts lorsqu’ils sont supportés par de solides connaissances du médium et de ses nombreux secrets.

 

RÉSULTAT FINAL

Détails, texture et subtilités finale-pastel pomme.